Tout d'abord, quelques aspects historiques des implantations des éoliennes dans le sud de l'Aisne
Dernières années de la décennie 1990
« Tout proche de l’Ile de France, ce territoire où se révèle une campagne préservée n’est pas pour l’instant le lieu d’une urbanisation intensive. Mais c’est là que se situent les enjeux, et tout développement mériterait un accompagnement vigilant, pour limiter les risques de déstructuration. »
Inventaire des paysages de l'Aisne, sud du département. CAUE de l'Aisne, 1999.
C'est ce que l'on pouvait trouver dans un document important traitant du patrimoine paysager du département.
Fin des années 2000
Après l'établissement de la charte de l'Eolien du département 02 (2005) la communauté de communes de Château-Thierry a choisi de réfléchir sur d'éventuels projets éoliens. Dans cet esprit elle a établi un schéma territorial éolien dont la page “Etude paysagère“ est ici rappelée. Le document que l'on trouvait sur internet est actuellement difficilement accessible.
Carte des sensibilités paysagères et légende de l'Etude paysagère (CCRCT, 02)
• Aux abords des lignes LGV et A4: des zones de moindre sensibilité dont le caractère lié à la présence de ces deux infrastructures parallèles, offre des possibilités d’implantation qui structurent cette zone de transition.
• Au sud de la Marne, sur le plateau de la Brie, une unité paysagère de grande échelle délimitée par des lisières relativement distantes, offre une bonne capacité à recevoir des éoliennes dans le cadre d’organisation paysagère qui pourrait valoriser l’identité de ces espaces.
• Autour de l’autoroute A4 et la ligne de TGV, , quelques ensembles de clairières dans la zone de transition avec le plateau du Tardenois, sont succeptibles d’accueillir des éoliennes sans dénaturer leur identité, à condition de respecter l’échelle des villages proches .
• L’ensemble du paysage de la vallée de la Marne (coteaux + fond de vallée), n’est pas compatible avec l’implantation d’éoliennes (altération de l’identité paysagère).
• Les zones de transition entre les massifs forestiers, les paysages de petites vallées et le paysage du plateau de l’Orxois-Tardenois, ne sont pas compatibles avec l’implantation d’éoliennes (altération de l’identité paysagère).
La lecture des quelques paragraphes ci-dessus laisse amer. Les termes – “sensibilité”, “structuration de la zone de transition”, “valorisation possible de l'identité de ces espaces”, “respectant l'échelle des villages proches” – sont difficilement compatibles avec la permanence presque intemporelle du paysage pérenne à l'échelle de l'homme et de son cadre naturel.
Les réalisations que l'on rencontre désormais dans toutes les directions de l'horizon révèlent la faiblesse des termes. Des éoliennes de 130 à 200 m (en bout de pales) ne peuvent se cacher : celles du parc de la Picoterie (Charly-sur-marne), invisibles de Charly-sur-Marne, sont visibles du fond de la vallée de la Marne, aux environs de Château-Thierry… comme elles le sont depuis les petits plateaux de la Brie champenoise ou de l'Orxois.
Les zones de transitions ci-dessus colorés en rose sont dites incompatibles avec l'implantation de parcs. Quelle a donc été leur défense lorsque l'on voit l'extension anarchique des parcs cinq ans après ?
L'ADEME avait donc bien raison : le paysage pérenne n'existe pas, toute impression de beauté n'est que subjective. Le paysage futur est à construire. La défense de la nature peut se concevoir comme une défense de la biodiversité, espèce par espèce, dans un ensemble de petits lieux, tout comme le jardin de curé peut être charmant, en soi, sans que l'on ne s'occupe de son intégration dans le paysage villageois ou naturel qui naguère l'entourait.
« Les échelles, les cadrages, les détails, l'histoire, incitent à se dire que le paysage n'est qu'une évolution, que sa qualité, c'est d'évoluer, qu'il n'y a pas de critères spécifiques, que la protection des paysages est un risque contre lui ». page 27 de l'annexe paysagère, dossier d'enquête publique, Hautevesnes 2005.
L'époque des zones de développement éolien
en cours de développement
L'époque de la transition énergétique
La carte ci-contre, éditée à partir des pages 2017 de la préfecture de l'Aisne, recense les sites construits et les projets plus ou moins avancés sur la zone couverte par l'APPEISA et les parties étudiées par l'A3PES au nord.
En pratique, pas plus qu'à l'époque des ZDE, il n'est pas de zone interdite, hors la distance des 500 m aux habitations, les covisibilités avec les éléments patrimoniaux majeurs.
Tout le territoire fait l'objet de démarches de la part des nombreux promoteurs – en concurrence – auprès des propriétaires afin de pouvoir placer des projets susceptibles de répondre aux vues définies maintenant par la Loi de Transition Energétique.
Le paysage est ainsi totalement transformé, en quelques annnées. Les élus des communes n'ont guère de moyen d'action pour se protéger et protéger leurs habitants de cette invasion.
En comparant les deux cartes données ici, on ne peut que remarquer que le schéma éolien de la CC de Château-Thierry a été outrepassé par le schéma régional défini lors de l'établissement du SRCAE picard.
Pratiquement le paysage de longue distance, permettant de rêver et d'imaginer une Terre naturelle, est mort ; on évitera seulement de risquer d'habiller les lieux susceptibles d'accueillir les touristes par des artefacts gigantesques.
Resteront quelques trames vertes et bleues, au milieu d'une zone industrielle diffuse, préemptant tous les paysages.